Vatican : le Département d'analyse des phénomènes criminels, mafieux et terroristes

L'Académie pontificale mariale internationale (PAMI) a créé le Département d'analyse, d'étude et de surveillance des phénomènes criminels, mafieux et terroristes. Pourquoi ? Parce que "le Pape François voulait "libérer" la Vierge Marie de la mafia", mais aussi l'Église de la corruption et des collusions avec les organisations criminelles. Un véritable combat, spirituel et sociétal, alliant un grand nombre de magistrats, criminologues, militaires, agents des services secrets de l'État et de l'Église. Avec criminalisation des abus spirituels et des faux mysticismes en vue.
Rappelons que le PAMI (Pontificia Academia Mariana Internationalis) est un Institut d'études et de recherches chargée de l'interprétation des documents mariologiques officiels de l'Église, mais aussi de l'authentification des apparitions mariales. Il est intervenu notamment dans les dossiers Fatima, Laus, La Salette, Lourdes, Guadalupe, Pellevoisin, Pontmain, Knock, Beauraing et l'ïle-Bouchard. Son expertise est aujourd'hui renforcée par l'Observatoire des phénomènes mystiques liés à Marie, créé en 2023 en son sein, afin d'analyser et apprécier les différents cas d'apparitions, lacrimations, stigmates, révélations privées et autres phénomènes dans le monde.
Tenez donc ferme: ayez à vos reins la vérité pour ceinture; revêtez la cuirasse de la justice; mettez pour chaussure à vos pieds le zèle que donne l'Évangile de paix; prenez par-dessus tout cela le bouclier de la foi, avec lequel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du malin; prenez aussi le casque du salut, et l'épée de l'Esprit, qui est la parole de Dieu. (Éphésiens 6, 14-17)

ENTRETIEN AVEC LE PÈRE STEFANO CECCHIN, PRÉSIDENT DE L'ACADÉMIE PONTIFICALE
Le père Stefano Cecchin souligne que la figure de Marie est utilisée par des organisations criminelles pour soumettre les gens, pour les rendre esclaves (...) en exagérant la figure de «Marie comme femme soumise de Dieu», qui se résigne au sort de son Fils qui meurt face au pouvoir.

Il est en effet établi que la figure de Marie, ainsi que les lieux, les rituels et les symboles qui lui sont associés, font l'objet d'une "reconfiguration systématique" par les mafias et le crime organisé, non seulement en Italie, mais aussi dans d'autres pays à l'échelle mondiale. (...) Parmi les exemples de cette spiritualité déformée, l'on peut citer le "salut" des statues de Marie devant les maisons des patrons de la mafia lors des processions.
À la femme évangélique caractérisée par la liberté, l'autodétermination, la pro-existence, la persévérance et la sérénité, la figure d'une autre femme s'oppose aux mafias et aux cultures mafieuses, caractérisée par l'obéissance absolue aux ordres supérieurs, le manque de liberté devant le destin, l'acceptation de la violence et de la force comme logiques constitutives de la société et de l'économie, la dévotion totale aux liens de sang.

Le tout dans une vision dualiste du monde et de l'histoire, qui divise essentiellement les êtres humains en deux : ceux qui méritent (et ont donc tous les droits) et détiennent le monopole de l'honneur ; et ceux qui ne méritent pas (qui sont donc nécessairement destinés à être esclaves des premiers), qui ne peuvent que vivre dans le déshonneur et la honte en espérant que celui qui détient l'honneur les assume à son service en lui permettant de manger les miettes qui tombent de sa table.

La 'Ndrangheta reprend à son compte le symbole de Marie
"La mission de notre académie est (donc) de donner une saine formation mariologique en vue d'une piété populaire saine. (...) La formation de personnes, de familles (...) qui est vraiment chrétienne. Le Pape François nous appelle à cette formation intégrale de la personne humaine. Le premier principe pour aider l'humanité et le foyer commun, la société et l'homme et la femme. (...) Nous devons redécouvrir le patrimoine religieux et culturel que nous avons dans le monde entier, mais surtout en Italie. Un patrimoine que nous devons revaloriser et sauvegarder dans sa pureté originelle. Il s'agit de préserver ce patrimoine de la contamination qui affecte cette pureté.
Ne te laisse pas vaincre par le mal. Au contraire, sois vainqueur du mal par le bien. (Romains 12,21)

Le magazine "Liberer Maria des mafias et du pouvoir criminel" se veut un autre outil de "travail" qui vise à analyser toutes les formes de criminalité. En effet, les thèmes qui seront abordés tels que les mafias (autochtones et étrangères), la situation des organisations terroristes internationales et des groupes inversifs présents en Italie (avec l'histoire des formations terroristes d'extrême droite et d'extrême gauche), la violence sexiste, la traite des êtres humains, le caporal, les éléments de criminalité commune, l'écomafie et les éléments de géopolitique (afin d'avoir une image définie de la situation internationale difficile), représentent, malheureusement, un problème qui afflige directement ou indirectement des millions et des millions de personnes qui se voient lésés par les deux piliers qui sont à la base de chaque société : la liberté et la dignité. [...]
Fabio Iadeluca
Coordinateur du département
Il y a une religiosité faible qui est manipulée par ceux qui savent comment manipuler le cœur et les sentiments des gens, non seulement du point de vue du crime, mais aussi sous d'autres formes, y compris les magiciens de la guérison et les gourous. Toutes les formes permettant d'utiliser les difficultés des gens en leur donnant des «réponses magiques» pour ensuite avoir un retour économique. (...) Pour diverses organisations criminelles, et en particulier la N'drangheta, les formes rituelles représentent l'essence même de l'organisation. De là découle ensuite une utilisation déformée de la dévotion par les mafias. C'est un cancer à combattre.

C'est précisément le message du Pape adressé principalement pour nous féliciter et aussi parce que nous poursuivons ce voyage commencé dans le cadre de la chaire «Marie, chemin de paix entre les cultures». Nous avons approfondi cet aspect et avons donc créé ce nouveau département qui implique un grand nombre de magistrats, de criminologues, de personnes de l'armée, de l'État et de l'Église, précisément pour travailler ensemble pour le bien de la personne humaine et de la société, de la "maison commune" comme le dit le pape François.(...)
Ce que nous répétons, c'est que nous devons travailler ensemble, mais chacun avec sa propre identité sans confondre l'État, l'Église, les associations. Nous devons être unis pour le bien commun. Le Pape nous a dit que l'académie doit être un lieu de rencontre, un lieu de dialogue. Nous travaillons également avec les musulmans. Nous avons créé la Commission mariale chrétienne musulmane. Et nous allons aussi commencer des cours avec la mosquée de Rome. Nous les accompagnons également sur ces aspects de mauvaises interprétations de la religion ou sur la manière dont la religion est utilisée pour diviser et créer des problèmes. Dieu, au contraire, est amour et non peur ou punition."
LE PAPE FRANÇOIS A TRACÉ LA ROUTE DANS LA LUTTE CONTRE LA MAFIA
La lutte du Vatican contre les organisations criminelles ne s'arrêtent pas à la défense de la pureté mariale. Durant l'ensemble de son pontificat, le pape François a multiplié les déplacements dans les "terre di mafia" et les paroles de condamnation des organisations criminelles. Au point de faire naître de grandes inquiétudes pour sa sécurité : dans les colonnes d'un quotidien italien en novembre 2013, le procureur antimafia Nicola Gratteri, spécialiste de la 'Ndrangheta - organisation criminelle calabraise - confiait ses inquiétudes pour la sécurité du pape François, alors élu depuis huit mois.

"Il gêne la mafia, explique-t-il. Si les parrains en ont le pouvoir, ils tenteront de l'arrêter." Selon le magistrat, c'est la politique de transparence imposée par le pape à l'Institut pour les oeuvres de religion (LOR), la banque du Saint-Siège, qui suscite la colère des parrains. "François veut nettoyer les institutions financières du Vatican. Les mafieux qui recyclent l'argent de la criminalité organisée grâce à des connivences avec l'Église s'inquiètent. Plus de dix ans après, l'attentat contre le souverain pontif ne s'est pas produit. Mais sur le fond, le magistrat ne s'était pas trompé : l'antagonisme total entre ce pape a laissé des traces indélébiles.
Soulignons en 2014, lors d'une messe mémorable à Cassano, en Calabre terre de la puissante mafia Ndrangheta, le pape François qui dénonçait l'organisation devant 100.000 personnes. Jamais un souverain pontife n'est allé aussi loin. "La Ndrangheta, c'est l'adoration du mal et le mépris du bien commun. Ce mal doit être connu, chassé", déclare-t-il. Devant la foule, il va plus loin et décide de chasser les criminels de l'Église. "Ceux qui dans leur vie ont choisi une vie du mal, comme les mafieux, ne sont pas en communion avec Dieu. Ils sont excommuniés."
Car nous n'avons pas à lutter contre des êtres de chair et de sang, mais contre les Puissances, contre les Autorités, contre les Pouvoirs de ce monde des ténèbres, et contre les esprits du mal dans le monde céleste. (Éphésiens 6, 12)
Excommunier les mafieux, le châtiment suprême. "Il considère que les mafieux ne font plus partie de la communauté catholique et concrètement, ils n'ont plus le droit d'être enterrés religieusement, explique Loup Desmond de Senneville, rédacteur en chef adjoint du journal La Croix. C'est une annonce symbolique, parce que c'est une mesure qui est très difficile à mettre en œuvre concrètement, et que les évêques, les prêtres de la région vont avoir à mettre en œuvre. Mais c'est d'abord un signal très fort de dire que l'on ne peut pas être catholique et mafieux. Ce n'est pas compatible."
Une sorte de ligne rouge à ne jamais franchir entre le bien et le mal.

En Calabre, l'assassinat d'un enfant de 3 ans
Quelques mois plus tôt, à Cassano, un drame a bouleversé l'Italie. Le corps du petit Nicola Campolongo, trois ans, est retrouvé calciné dans une voiture."Ce gamin était le petit-fils de quelqu'un qui devait de la drogue à la mafia. Et cette personne, le grand-père, raconte Fabrice Rizzolli, spécialiste de la mafia italienne, pensait qu'il serait protégé en baladant son petit-fils sans arrêt a vec lui. Ce n'est pas du tout ce qu'il s'est passé. Les mafieux ont tué le grand-père, sa compagne, et le gamin de trois ans. Le pape a donc vraiment voulu agir de manière très volontaire, en Calabre, dans un endroit où la mafia est extrêmement puissante et en défendant le concept de victimes innocentes. Personne ne doit mourir, à trois ans, lorsqu'on est sur un territoire en Italie. Là, le pape a vraiment eu un geste fort, symbolique, courageux, de se déplacer en Calabre et de soutenir les victimes innocentes de la mafia."
Un groupe de travail mystérieusement interrompu
En 2018, en Sicile, le pape rend hommage à un prêtre assassiné. Puis en 2021, pendant le Covid, il accuse les organisations criminelles d'exploiter la pandémie. Le souverain pontife martèle : "Les mafieux ne sont pas des chrétiens." Afin de mettre en application l'excommunication des mafieux, le Vatican lance en 2021, un groupe de travail composé de juristes. Mais le projet est à l'arrêt depuis plusieurs mois.
"Le travail du Vatican sur la mafia a été suspendu de manière assez abrupte, reprend Loup Desmond de Senneville. Le Vatican n'a d'ailleurs jamais expliqué cette interruption. Il y a plusieurs hypothèses. L'une d'entre elles, c'est que de tels travaux sur la mafia menaçaient un certain nombre d'intérêts au sein même du Vatican. Le pape lutte contre la corruption de manière très forte, mais il reste un certain nombre de poches un peu obscures au sein du Vatican en termes de financements. Il y a donc eu des craintes internes qu'un discours trop clair sur la mafia et un discours trop concret d'un point de vue juridique sur la mafia menacent les intérêts internes au Vatican."
«Le cri des victimes de la mafia» doit susciter un engagement des théologiens du Bassin méditerranéen", demande le pape François dans un message vidéo adressé à l'occasion de l'ouverture de l'Année académique 2024-2025 de la faculté de théologie de Sicile. Le pontife argentin s'était rendu à Palerme en septembre 2018 afin de rendre hommage au père Pino Puglisi, assassiné par la mafia en 1993 et béatifié en 2013.

Père Pino Puglisi
«Commencez avec créativité un véritable atelier théologique et social du pardon, pour une véritable révolution de justice». Telle est l'invitation du Souverain pontife à la Faculté de théologie de Sicile, en Italie, à l'occasion du 43e anniversaire du début de ses activités académiques, qui a eu lieu le mercredi 16 octobre à Palerme. Dans son message vidéo, le Pape François a dit se placer idéalement dans les pas de saint Jean-Paul II, qui a visité la Faculté théologique pontificale de Sicile le 21 novembre 1982, au cours de sa visite pastorale au Belice et à Palerme.
Née, en effet, avec une forte vocation ecclésiologique, l'évêque de Rome a rappelé que cette institution est appelée «à prendre l'initiative de relever les défis que la Méditerranée pose à la théologie: le dialogue œcuménique avec l'Orient; le dialogue interreligieux avec l'Islam et le Judaïsme; la défense de la dignité humaine dans le Mare nostrum, souvent transformé en monstrum par la logique de la mort; la force culturelle et sociale de la religiosité populaire - la «piété populaire», comme l'a dit saint Paul VI -; la ressource de la littérature pour la rédemption de la dignité culturelle du peuple; et, surtout, les défis de la libération qui viennent du cri des victimes de la mafia».
La théologie, signe et instrument de salut
Il s'agit, a expliqué François, d'apprendre le métier de la théologie comme tissage des filets évangéliques du salut, sur les rives siciliennes de la Méditerranée; «c'est un travail patient qui tente de raconter l'amour du Maître, capable de susciter l'étonnement de la rencontre et de l'amitié. L'étonnement, qui est précisément le nerf qui fait naître la foi». De la même manière que le Maître s'est arrêté, le long de la mer de Galilée, pour contempler ces pêcheurs en train de ranger leurs filets (Mt 4,18-22), devenus un signe et un instrument de salut, le Pape François a souligné aux membres de la Faculté de théologie de Sicile que la tâche de la théologie de la Méditerranée consiste aussi à «tisser des filets de salut, des filets évangéliques fidèles à la manière de penser et d'aimer de Jésus, construits avec les fils de la grâce et entrelacés avec la miséricorde de Dieu, avec lesquels l'Église peut continuer à être, même dans la Méditerranée, un signe et un instrument de salut pour le genre humain (cf. Lumen gentium, 2). C'est ainsi que la théologie peut aimer, devenir charité ».
Faisant appel à l'analogie de la croix, le Souverain pontife a expliqué que le théologien est amené à regarder la réalité humaine avec les yeux de celui qui s'est abaissé jusqu'à devenir le plus bas des hommes, en renonçant à ses prérogatives divines et en assumant la condition de serviteur. Toutefois, a-t-il fait remarquer, «les filets se tissent et se nouent assis par terre, souvent à genoux, la meilleure position d'ailleurs pour aimer le Seigneur». Ce qui signifie «adopter le style du lavement des pieds, et celui du bon Samaritain qui se penche devant les plaies de la victime aux mains des brigands», a renchérit François, qui a invité à imaginer les mains des théologiens ainsi: «des mains qui racontent l'étreinte de Dieu, des mains qui offrent de la tendresse - n'oublions pas ce mot, tendresse, qui est le style de Dieu -, des mains qui relèvent ceux qui sont tombés et les guident vers l'espérance».