Pepe Mujica : "le président le plus pauvre du monde"

15/05/2025

Décédé d'un cancer le 13 mai 2025 à 89 ans, José "Pepe" Mujica donnait quasiment tout son salaire de président de l'Uruguay aux pauvres. Apôtre de la sobriété, du partage et de l'humanité, il s'en prenait au "dieu marché", qui pille les ressources de la Terre et fait de nous des idolâtres du consumérisme. Dans sa ferme – ou "chacra" – située non loin de Montevideo, l'homme a continué à répondre à des sollicitudes médiatiques, notamment à l'occasion de la récente mort du pape François, une personnalité qui, selon lui, avait su faire preuve d'engagement à l'égard des plus faibles". Rappelons que dans les années 1960, a il rejoint la guérilla tupamara, a souffert de la prison et de la torture, puis a déclaré : "On peut toujours se relever. Il vaut toujours la peine de repartir à zéro, mille et une fois, aussi longtemps qu'on est en vie. Voilà le message essentiel de la vie."

Personne ne peut servir deux maîtres, car ou il détestera le premier et aimera le second, ou il s'attachera au premier et méprisera le second. Vous ne pouvez pas servir Dieu et l'argent. (Matthieu 6,24)

L'actuelle vice-présidente colombienne, Francia Marquez, est peut-être celle qui incarne le mieux, aujourd'hui, le legs de l'ancien président uruguayen Pepe Mujica, dans la façon d'exercer le pouvoir sans faste, au plus près du peuple. Il n'est donc pas surprenant qu'elle ait été l'une des premières à lui rendre hommage, à l'annonce de sa disparition, à 89 ans : « Je déplore profondément le décès de Pepe Mujica, figure emblématique de la dignité, de l'humilité et de la cohérence politique en Amérique latine. C'était un homme qui avait choisi de vivre selon ses convictions et qui avait consacré sa vie à lutter pour la justice sociale, la paix et l'unité de nos peuples. Son héritage ne réside pas seulement dans ses paroles pleines de sagesse, mais aussi dans son amour pour la terre et dans son appel constant à mettre la politique au service du peuple. Il nous a appris qu'il est possible de faire de la politique avec les mains propres, le cœur ouvert et les pieds sur terre. Je présente mes condoléances à Lucía, sa compagne, à sa famille, à ses amis, au peuple uruguayen et à toute notre Amérique, qui dit aujourd'hui adieu à l'un de ses plus grands leaders. Que les graines de conscience, de solidarité et d'humanité qu'il a semées soient récoltées par les générations futures.»

Et le New York Times, qui publie une édition en espagnol très influente en Amérique latine, consacre un long article à l'ancien président uruguayen, sera traduit ci-dessous.

Fleuriste de profession, Mujica défendait les communautés rurales et était un fervent défenseur des idéaux de liberté. Convaincu que les dirigeants mondiaux devaient renoncer au faste du pouvoir, lui et son épouse, Lucía Topolansky, alors sénatrice, ont choisi de vivre de fuir le palais présidentiel et de s'installer dans une maison de plain-pied sur un terrain agricole, renonçant à la propriété présidentielle et au personnel de fonction qui lui était attaché.

Que votre conduite ne soit pas guidée par l'amour de l'argent, contentez-vous de ce que vous avez. En effet, Dieu lui-même a dit : Je ne te délaisserai pas et je ne t'abandonnerai pas. (Hébreux 13,5)

On pouvait parfois le voir se rendre au travail au volant de sa Volkswagen Coccinelle bleu ciel de 1987. Au début de son mandat présidentiel, il déclarait d'ailleurs comme seul bien cette "Coccinelle" et posait avec fierté sur son vélo de course de marque Peugeot. Et c'est parfois pieds nus dans des sandales qu'il assistait à des réunions officielles.

Lors de son premier jour en tant que président, Mujica a annoncé qu'il consacrerait la majeure partie de son salaire à la construction de logements sociaux pour les villages abandonnés d'Uruguay. Cependant, celui que l'on surnommait « le président le plus pauvre du monde » voyait sa position différemment. « Ce n'est pas celui qui a peu qui est pauvre, mais celui qui désire beaucoup », déclarait-il dans un entretien pour le New York Times en 2013, citant le philosophe romain Sénèque.

Sa notoriété planétaire s'explique également par les idées progressistes qu'il a su défendre. Pendant le mandat de Mujica, l'Uruguay est devenu le deuxième pays d'Amérique latine à dépénaliser l'avortement et à légaliser le mariage pour tous, et le premier pays au monde à légaliser et à réglementer entièrement la marijuana (2013). Il a également œuvré pour une importante réforme agraire destinée à rendre des terres aux agriculteurs locaux.

Son discours sur les méfaits du consumérisme effréné était presque aussi percutant que son apparence étonnamment décontractée : sans cravate, les cheveux en bataille, s'occupant de ses champs de chrysanthèmes avec sa femme et sa chienne à trois pattes, Manuela.

Son parcours politique, Denis Merklen le connaît bien. Né en Uruguay, ce sociologue, qui dirige à Paris l'Institut des hautes études de l'Amérique latine, a eu l'occasion de rencontrer Pepe Mujica dans les années 1980. Il a conservé des liens avec cet homme, l'un des derniers représentants de la gauche latino-américaine ayant pris les armes au cours des années 1960, dans la lignée de la révolution cubaine.

Pour Denis Merklen, Pepe Mujica "a su rentrer avec force dans la démocratie et à en faire un espace indépassable, que l'on ne peut remettre en question sous aucun prétexte". Une posture partagée par "nombre de ses camarades de lutte qui ont connu en parcours similaire, à commencer par son épouse Lucia Topolansky, qui a été vice-présidente de la République. Mais lui a trouvé une plus grande audience car il a été élu président", ajoute Denis Merklen.

"Il est devenu exceptionnel car il a imposé un certain nombre de normes à sa conduite politique qu'il a aussi imposées à sa vie personnelle, à son style de vie. Il en a fait une valeur publique", explique Denis Merklen. "Il a trouvé une manière d'argumenter et de s'adresser notamment aux jeunes par cette cohérence qui est si souvent décriée aujourd'hui. C'est cela qui lui a donné une audience bien au-delà de ce petit pays qu'est l'Uruguay."

Ses choix de vie lui ont rapidement valu une renommée mondiale. Sa simplicité et sa radicalité en ont fait une personnalité inclassable, adulée par de nombreux médias qui ont vanté sa droiture et son sens du bien commun. Emir Kusturica lui a même consacré un film, "El Pepe, una vida suprema", sorti en 2018. 

À la fin de sa présidence en 2015, Pepe Mujica s'était dit satisfait du travail accompli, tout en regrettant de ne pas avoir pu faire une "grande quantité de choses". Si la Constitution ne lui permettait pas de briguer un nouveau mandat, il est tout de même resté un personnage incontournable de la vie politique, au grand dam de ses détracteurs. Il l'a encore prouvé en 2024 lors de la campagne présidentielle en soutenant activement son poulain, Yamandu Orsi, candidat du Frente Amplio. Ce dernier a triomphé au second tour, permettant ainsi le retour de la gauche au pouvoir. Et le 1er mars 2025, Yamandu Orsi prenait officiellement ses fonctions sous les yeux de son mentor Pepe Mujica qui, malgré sa santé fragile, avait fait le déplacement au Congrès uruguayen.

Août 2024, le dernier entretien de Pepe Mujica (intégral)

(Entretien réalisé par Jack Nivas pour le New York Times, version originale en espagnol)

Comment va votre santé ?

J'ai suivi un traitement radiologique. D'après les médecins, ça s'est bien passé, mais je suis épuisé.

(Sans qu'on lui pose la question, il ajoute qu'il pense que l'humanité, telle qu'elle est, est condamnée).

Pourquoi dites-vous cela ?

Parce qu'elle perd beaucoup de temps inutilement. On pourrait vivre plus tranquillement. Regardez, l'Uruguay compte 3,5 millions d'habitants. Il importe 27 millions de paires de chaussures. Nous produisons des déchets. Nous travaillons dans la souffrance. Pour quoi faire ?

On est libre quand on échappe à la loi du besoin, quand on passe son temps à faire ce qui nous plaît. Si les besoins se multiplient, on passe son temps à les satisfaire. Or, les êtres humains sont capables de créer des besoins infinis. Il en résulte que le marché nous domine et accapare tout notre temps.

L'humanité a besoin de travailler moins, d'avoir plus de temps libre et d'être plus sobre. Pourquoi tant de déchets ? Pourquoi changer de voiture ? Changer de réfrigérateur ?

La vie est unique et elle passe. Il faut donner un sens à la vie. Il faut lutter pour le bonheur humain. Pas seulement pour la richesse.

Pensez-vous que l'humanité peut changer ?

Elle pourrait changer. Mais le marché est très puissant. Il a créé une culture subliminale qui domine notre instinct. C'est subjectif. Ce n'est pas conscient. Il a fait de nous des acheteurs voraces. Nous vivons pour acheter. Et nous vivons pour payer. Et le crédit est une religion. Nous sommes pris dans un cercle vicieux.

Vous ne semblez pas très optimiste.

Biologiquement, je le suis, car je crois en l'homme. Mais quand je réfléchis, je suis pessimiste.

Pourtant, vos discours ont souvent un message positif.

Oui, parce que la vie est belle. Avec toutes ses péripéties, j'aime la vie. Et je la perds parce que mon heure est venue. Quel sens pouvons-nous donner à la vie ? L'homme, contrairement aux autres animaux, a la capacité de trouver une raison d'être. Ou pas. S'il ne la trouve pas, le marché lui fera payer toute sa vie. S'il la trouve, il aura une raison de vivre. Celui qui fait des recherches, celui qui aime la musique, celui qui a une passion sportive, quelque chose. Quelque chose qui remplit sa vie.

Ce qui fait le charme d'un homme, c'est sa bonté. Mieux vaut un pauvre qu'un menteur. (Proverbes 19, 22)

Pourquoi avez-vous décidé de vivre dans votre propre maison pendant votre présidence ?

Parce qu'il reste des vestiges culturels du féodalisme. Au sein de la République. Le tapis rouge. Ceux qui jouent de la trompette. Et le président aime qu'on le flatte.

Une fois, je suis allé en Allemagne. On m'a fait monter dans une Mercedes-Benz. La porte pesait environ 3.000 kilos. On a mis 40 motos derrière moi, puis 40 autres. J'avais honte.

Ils ont une maison pour le président. Quatre étages. Pour prendre un thé, il faut marcher l'équivalent de trois pâtés de maisons. C'est inutile. Ce serait bien pour faire un lycée.

Comment aimeriez-vous qu'on se souvienne de vous ?

Ah, comme ce que je suis : un vieux fou.

C'est tout ? Vous avez fait beaucoup de choses.

J'ai une chose. La magie des mots. Le livre est la plus grande invention de l'homme. Dommage que les gens lisent peu. Ils n'ont pas le temps.

Aujourd'hui, les gens lisent beaucoup sur leur téléphone.

Je l'ai jeté il y a quatre ans. Ça me rendait fou. Toute la journée à lire des bêtises. Parce que je veux parler avec moi-même. Apprendre à parler avec celui qui est en nous. C'est lui qui m'a sauvé la vie. Et comme j'ai passé de nombreuses années seul, il est resté.

Parfois, je me promène avec le tracteur. Je m'arrête pour regarder un petit oiseau faire son nid. Il est né architecte, personne ne lui a appris. Vous connaissez les horneros ? Ce sont des maçons parfaits [L'hornero, ou fournier roux, est un petit passereau brun-roux, emblématique d'Amérique du Sud. Son nom, « hornero » (du mot espagnol horno, « four »), vient de son nid unique en forme de four, construit en boue et en paille, souvent sur des poteaux, des arbres ou des bâtiments - NdT].

J'admire la nature. Il faut avoir les yeux pour voir. Les fourmis sont la chose la plus communiste qui soit. Elles sont beaucoup plus vieilles que nous et elles nous survivront. Tous les êtres qui vivent en colonie sont très forts.

Pour en revenir aux téléphones : vous dites qu'ils sont trop pour nous ?

Ce n'est pas la faute du téléphone. C'est nous qui ne sommes pas à la hauteur de la technologie. Nous en faisons un usage désastreux. Parce qu'un jeune, aujourd'hui, a une université dans sa poche. C'est merveilleux. Mais non, nous progressons plus sur le plan technologique que sur le plan des valeurs.

Cependant, c'est dans le monde numérique que se déroule une grande partie de la vie actuelle.

Rien ne peut remplacer cela. (Il nous montre du doigt, nous qui discutons). C'est intransférable. On ne communique pas seulement avec des mots. Nous communiquons avec des gestes, avec notre peau. La communication directe est irremplaçable. Nous ne sommes pas si robotiques. Les humains sont des animaux très émotifs, qui ont appris à penser, mais qui sont d'abord émotifs. Et ils croient qu'ils décident avec leur tête. Souvent, la tête trouve des arguments pour justifier les décisions prises par les tripes. Nous ne sommes pas aussi conscients que nous le semblons. Et c'est bien ainsi. Parce que ce mécanisme sert à vivre. C'est comme la vache qui va vers l'herbe. S'il y a de l'herbe, il y a de la nourriture. Et il sera difficile de renoncer à ce qu'ils sont.

Vous avez dit par le passé que vous ne croyiez pas en Dieu. Quelle est votre vision de Dieu à ce stade de votre vie ?

60 % de l'humanité croit en quelque chose et il faut respecter cela. Il y a des questions sans réponse. Quel est le sens de la vie ? D'où venons-nous, où allons-nous ? Nous ne nous résignons pas à être une fourmi dans l'infini de l'univers. Nous avons besoin de l'espoir de Dieu parce que nous voulons vivre.

Avez-vous une sorte de Dieu ?

Non. Je respecte beaucoup les gens qui croient. C'est comme une consolation face à l'idée de la mort.

Car la contradiction de la vie est qu'il s'agit d'un programme biologique qui est fait pour que vous vous battiez pour vivre. Mais dès que le programme démarre, vous êtes condamné à mourir.

Il semble que la biologie occupe une place importante dans votre vision du monde.

Nous sommes interdépendants. Nous ne pourrions pas vivre sans les procaryotes qui se trouvent dans nos intestins. Nous dépendons d'une quantité d'insectes que nous ne voyons même pas. La vie est une chaîne et elle est encore pleine de mystères.

J'espère que la vie humaine se prolongera, mais j'ai peur. Il y a beaucoup de fous avec des armes atomiques. Beaucoup de fanatisme. Nous devons construire des moulins à vent, changer notre mode de production énergétique. Et non, nous dépensons pour des armes.

Quel animal, hein ? Quel animal compliqué que l'homme : il est intelligent et stupide.

Entretien à la BBC 28 novembre 2024 (extraits)

Il y a quelques jours, vous avez déclaré que vous vous "battiez contre la mort". À quel point ce combat est-il difficile pour quelqu'un comme vous, qui a vécu presque tout dans la vie ?

Toutes les choses vivantes sont faites pour se battre pour vivre : d'un yuyo à une grenouille en passant par nous. On arrive à la conclusion : ceci est mis pour donner du goût à la vie, car comme disait le vieux Aristote : tout ce que la nature fait, est bien fait.

Je devrais être un croyant fanatique. Parce que plusieurs fois la mort a rôdé sur le lit où il était. Et j'ai réussi à arriver jusqu'à aujourd'hui.

Et malgré tous les regrets, j'ai été emprisonné pendant des années sans raison, tout m'est arrivé, puis j'ai été président (torturé chaque jour, mis à l'isolement total, il sera ainsi détenu pendant plus de 10 ans, dont 2 ans au fond d'un puits, et en sortira en 1985, à demi-fou ; une folie et une expérience terrifiante dont il fera, paradoxalement, sa plus grande force).

Alors je dois lui crier merci à la vie.

Diriez-vous que c'est le moment le plus difficile de tous ceux qui ont été passés ?

Il a probablement vécu plus difficile, mais il n'en était pas conscient.

Une fois, j'ai été abattu dans un bowling, mais j'étais près de l'hôpital militaire. Ils m'ont emmené rapidement. Et le chirurgien de garde était un compagnon. Pouvez-vous le croire ?

Ils m'ont mis n'importe quel sang, ce qu'ils avaient sous la main, parce que j'avais perdu un non-sang. Et à la fin j'ai été sauvé.

Il a perdu la rate là-bas...

J'ai perdu la rate. Je pense que ça a dû être le moment le plus dramatique que j'ai vécu, mais je n'en étais pas conscient.

Je sais qu'ils m'ont jeté sur une chose et je leur ai envoyé des discours barbares : "Ne me laissez pas mourir, je suis un combattant social". Il n'a pas de but [sens]. J'étais choqué.

Quel sens avez-vous trouvé dans la vie ?

C'est la différence notoire qu'il a avec les autres formes de vie.

La vie humaine, par notre développement intellectuel, nous permet en partie de choisir une cause pour vivre : donner un sens à la vie.

C'est le prix de la conscience. Mais nous ne l'exerçons pas nécessairement. Parfois oui, parfois non.

La majeure partie de nos sociétés est soumise à l'auto-exploitation, car ce qui gagne a tendance à ne pas l'atteindre, parce que tout est fait pour ne jamais l'atteindre.

Et il doit obtenir plus, et travailler plus et plus et plus, parce qu'il dépense de plus en plus. Et avec quoi payez-vous ? Avec le temps de sa vie, il le dépense pour produire de la valeur pour pouvoir payer.

Quand suis-je libre ? Quand je fuis la loi de la nécessité.

Si le besoin m'oblige à passer du temps pour obtenir des moyens économiques avec lesquels je dois payer la consommation que j'ai, je ne suis pas libre.

Je suis libre quand je passe le temps de ma vie dans ce que j'aime et ce dont j'ai envie. Bien sûr, parce que c'est à moi.

C'est pour cela que les gens ont le moins de temps aujourd'hui.

Le sujet est fréquent : "Je ne veux pas que mon fils manque de quoi que ce soit". Oui, mais tu lui manques, parce que tu n'as jamais de temps pour ton fils.

Où passe la solution ?

Pour la sobriété dans le mode de vie.

Est-ce quelque chose d'individuel, pas un changement de système ?

Il ne peut pas être imposé. C'est pourquoi je dis que tout ce que je fais, c'est semer.

Mais il y a aussi une raison globale.

Si dans tout le monde sous-développé nous arrivons à consommer, même pas comme les Yankees, seulement comme les Européens, la planète ne résiste pas.

Nous avons besoin de trois planètes. Je ne le dis pas. Il n'y a aucun moyen de vivre cette société de gaspillage.

Nous pouvons vivre tranquillement, mais si 8 milliards de personnes vont se baigner avec un jacuzzi, nous avons besoin d'une Amazonie. Tu te rends compte ? Ce n'est pas possible.

L'humanité gaspille un non-sens de choses, et ce gaspillage se retourne à long terme contre notre espèce. C'est un cercle vicieux.

La sobriété et la prudence sont donc avantageuses pour plusieurs raisons.

Mais je sais que je suis à une époque où les gens ne me comprendront pas, car la culture de notre temps est une formidable réussite du capitalisme.

Il a créé une culture subliminale dans laquelle nous devons tous être des acheteurs compulsifs.

Tous les économistes du monde sont toujours désespérés pour que l'économie se développe. C'est imposé, tout ce que je dis est contraire à cela.

Pensez-vous qu'il y aura un point de rupture ?

Nous allons devoir payer les coûts de ce que nous faisons.

Je ne serai pas en vie, mais vous ne pouvez pas faire n'importe quoi sur Terre ; la nature nous fait payer. Et il commence à nous facturer.

La nature vous surprend-elle toujours ?

La nature vous laisse bouche bée quand vous l'observez. Je suis extatique, honnêtement.

Il y a des gens qui à la campagne disent : "Quelle tristesse, quelle solitude". Le champ est un convent, mais il faut faire attention pour le voir.

Toutes les formes de vie qui se battent, vont et viennent, c'est une chose qui fait peur. Des vers et des vers, aux oiseaux et tout ce qui se retourne.

Depuis quand avez-vous cette admiration pour la nature ?

Peut-être toujours, parce que j'ai été élevé dans une ferme et j'ai appris à l'aimer et à aimer la terre.

Aujourd'hui je suis foutu, mais tous les jours si je peux je marche un peu sur le tracteur, parce que je me retrouve moi-même.

De plus, lorsque j'étais en prison, j'ai passé presque sept ans sans livres, dans une pièce plus petite que celle-ci. Ils me déplaçaient de caserne en caserne. Puis j'ai fini par contracter le vice de la misanthropie, me parler à moi-même.

C'était comme une autodéfense, dans les conditions dans lesquelles j'étais, pour ne pas me planter (perdre le jugement). Mais il m'a été incorporé. C'est devenu une habitude pour moi.

Alors je fais des choses, je réfléchis en permanence et je tourne la tête. Tu te rends compte ? Il s'est transformé en une façon d'être qui n'était pas la mienne.

Je ne peux pas non plus me débarrasser de ce que j'ai vécu. Comment puis-je obtenir ça maintenant ?...

Aux riches de ce monde, ordonne de ne pas être orgueilleux et de ne pas mettre leur espérance dans des richesses incertaines, mais dans le Dieu vivant, qui nous donne tout avec abondance pour que nous en jouissions. (1 Timothée 6, 17)

"Pepe" est enterré dans sa ferme, au pied d'un grand séquoia, à côté d'une chienne morte en 2018. Un lieu que cet admirateur de la nature aimait plus que tout. Un être spirituel qui semblait s'ignorer...