"Dieu m'a sauvé avec le rap chrétien"

09/09/2025

Né en 1985 avec Stephen Wiley, le rap chrétien est aujourd'hui un succès mondial. Avec de nombreux artistes remportant des prix prestigieux comme les Grammy Awards, hashtag christianrap ne cesse de croître et de toucher un public de plus en plus large, avec des milliers de publications aux États-unis, en Afrique ou en France. 

Le titre Thérapie ("Et la Bible est ma meilleure thérapie") de Shelu'honey reprise par ma fille Divine en Afrique (vidéo en entête)

Entre foi assumée et hip-hop, ce genre musical est un outil puissant d'évangélisation et d'inspiration des jeunes, notamment ceux dont la foi est en berne ou qui ont besoin d'exprimer l'amour de Dieu dans la richesse de la diversité musicale d'aujourd'hui.

Parmi les artistes incontournables à découvrir ou redécouvrir sans modération :

  • KJ-52 : Connu pour des chansons comme "All Around the World" et "Daddy's Girl"
  • Canton Jones : A commencé à chanter dès l'âge de cinq ans et a sorti plusieurs albums
  • TobyMac : A remporté trois Grammy Awards pour ses albums de rap chrétien
  • Lecrae : Co-fondateur de Reach Records, il est l'un des rappeurs chrétiens les plus influents
  • NF : Connu pour ses albums comme "Mansion" et "Perception"

Parmi les artistes francophones en pleine croissance :

  • Conozco : A sorti son premier EP "NEHIYR" en 2023
  • Bigty : Connu pour son album "Techouva" sorti en 2019
  • B-Right : Influencé par le hip-hop français et sa foi chrétienne
  • Redflow : Une artiste qui mélange les styles et partage sa foi à travers sa musique
  • Le Psalmiste : Connu pour son album "Surnaturel" sorti en 2010

Le groupe de rap chrétien LudjixBoyz

Qui sont ces rappeurs chrétiens qui évangélisent par leur flow ?

Rares sont les concerts où la foule scande d'une seule voix le nom de Jésus, rares sont ceux qui accueillent des rappeurs chrétiens sur leur scène. C'était le cas le samedi 24 mai 2025, à Paris. Franck et Lucas, où les deux artistes du groupe catholique LudjixBoyz, interprètaient leur Freestyle Jésus, entonné par la foule venue assister à l'édition 2025 de la Marche pour Jésus.

Loïc, 29 ans, cherche du regard sa sœur, qu'il accompagne pour l'après-midi. Elle s'est glissée parmi un groupe de chrétiens arborant un drapeau «I Love Jesus». Lui, plus en retrait, bat la mesure du pied. «Je ne suis pas véritablement pratiquant, je n'ai jamais su me retrouver dans l'univers religieux, confie celui qui porte une fine croix autour du cou, souvenir de sa première communion. Je suis agréablement surpris par ce groupe de rappeurs et leurs paroles.»

«Toucher le cœur des personnes»

Pour Sylvia Raoilison, responsable de la programmation musicale de la Marche pour Jésus, le rap va bien au-delà des stéréotypes qui lui sont souvent accolés. «Ce style a été détourné par le diable avant que les rappeurs chrétiens ne le récupèrent comme vecteur de la parole de Dieu, lance-t-elle. C'est génial car ils parlent aux jeunes!»

Sur scène, les LudjixBoyz, tee-shirts floqués d'un cœur orné d'une couronne d'épines, scandent : «Ouais, ma seule limite, moi, c'est le ciel. J't'annonce la bonne nouvelle comme Gabriel.» Les deux artistes et meilleurs amis en sont persuadés: «Si on fait de la bonne musique, elle finira toujours par toucher le cœur des personnes, qu'elles croient en Dieu ou pas». Avant de retrouver sa sœur, Loïc note le nom du groupe, sans savoir que la découverte de cet écosystème embrasse le dessein premier de ce genre musical: l'évangélisation.

«Mission de disciple authentique»

Pionnier de la scène rap chrétienne française, Manou Bolomik, rappeur et pasteur évangélique à Toulouse, né au Cameroun, a commencé à écrire à 16 ans et a sorti son premier album, Fantastik, en 2002. «Quand j'ai commencé dans les années 1990, mon pasteur de l'époque s'y était vivement opposé, et il était très mal vu de pratiquer ce type de musique, se souvient-il. C'est devenu clivant avec les années, mais ça l'est de moins en moins.»

Sa musique s'inscrit dans «sa mission de disciple authentique»: celle de prêcher la parole de Dieu et de raconter son parcours de jeune défavorisé dont la rencontre avec Jésus a tout changé. «Je remercie Dieu pour ce qu'il a apporté à ma vie, les auditeurs entendent mon témoignage et réfléchissent à leur vie», développe l'auteur de deux ouvrages sur sa conversion. Le rap chrétien s'est depuis développé avec des artistes français comme Le Psalmiste, Y du V, Gab, Bosco, Guénolé ou encore JD Imrah. Comme dans le rap en général, ces rappeurs chrétiens sont majoritairement des hommes, mais quelques femmes, comme Redflow, ont acquis une certaine notoriété.

L'école Pierre à Lyon

Signe de cette croissance, l'École Pierre, une école créative créée en 2019 à Lyon dans le but d'aider les jeunes chrétiens à développer leurs talents – musique, chant, communication, etc. – pour «transformer le monde», forme ses élèves à la musique urbaine. Le cofondateur de l'École Pierre, Guillaume Cail, défend une foi qui ne doit pas être « archaïque mais vivante».

Constat que partage Emmanuel Gougaud, curé de la paroisse Sainte-Bernadette de Versailles (Yvelines) et grand connaisseur du rap, initié à ce style musical par les adolescents de l'aumônerie lors d'un stage à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines). «Le rap est un domaine culturel fort en matière de transmission de sentiments profonds, et m'y intéresser m'a permis d'entretenir de bons rapports avec les jeunes», remarque-t-il. Il tempère tout de même : «Il ne s'agit pas de faire de la démagogie ou des messes en rap.»

«À ceux qui sont en baisse de foi»

Si ce mouvement culturel est largement plébiscité par les jeunes chrétiens, il demeure peu connu au-delà de ce cercle. Les paroles des musiques de ce microcosme ne comptent plus les occurrences des mots «Jésus», «Dieu» et «Bible», répétés à l'envi, quitte à effrayer les auditeurs athées. Les non-croyants constituent pourtant la cible privilégiée des rappeurs chrétiens désireux de convertir les cœurs.

«Mon objectif premier est celui d'évangéliser à l'aide du rap, je veux témoigner de ce que Dieu a fait pour moi aux croyants et à ceux qui sont en baisse de foi», explique ainsi Le Psalmiste, rappeur évangélique au public majoritairement chrétien. Cette évangélisation explicite, nourrie de la notion du «réveil chrétien», le renouvellement d'une foi jugée endormie ou routinière, infuse paroles, musicalité et clips des artistes.

Mais, elle ne peut constituer une fin en soi, selon Guillaume Cail : «Je n'aime pas l'idée d'évangéliser à tout prix, cela pourrait se révéler entriste et calculateur. Si les chrétiens deviennent des artistes talentueux, qui font le bien autour d'eux, alors le public s'intéressera naturellement à leur foi.»

Le cofondateur du label Brille Musique différencie deux types de productions musicales: un rap chrétien qui serait prédicateur et explicite, et la musique inspirée, dans laquelle l'artiste distille des traces de sa foi de façon plus discrète. Dans les deux cas, Emmanuel Gougaud estime qu'«évangéliser explicitement peut donner l'illusion qu'on peut être plus laxiste sur la qualité de la musique. C'est faux, il faut que ce soit techniquement bon».

«Un fossé entre la culture du monde et les cathos»

Y du V, rappeur chrétien, s'engage dans cette seconde voix, celle de la musique inspirée. « Je cherche à transmettre un message d'espoir. Je ne parle pas forcément de la religion de façon christocentrique, mais des valeurs chrétiennes à travers la santé mentale, le pardon et l'amour », explique l'ancien artiste profane dont la mue en rappeur chrétien a transformé la musique. Il fait partie de l'Église évangélique, mais, dans une volonté d'œcuménisme, se dit « avant toute chose » chrétien.

De fait, même si le rap chrétien séduit les différentes dénominations chrétiennes, il demeure l'apanage des artistes protestants évangéliques. Le catholicisme plus bourgeois semble rechigner à l'idée de se frotter à un style musical qui souffre de nombreux stéréotypes. Franck, du groupe catholique LudjixBoyz, l'explique en ces termes : «Les évangéliques sont plus expansifs dans leur foi tandis que les catholiques la vivent de façon plus intérieure et intime.»

De son côté, Guillaume Cail déplore «le fossé entre la culture du monde et les cathos», qu'il tente de combler en formant des talents chrétiens au sein de son école. Gab, rappeur lyonnais passé par cette structure, en fait partie. Avec les LudjixBoyz et El Nino (un artiste venu d'Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis), ils représentent les quelques exceptions catholiques au paysage hip-hop chrétien largement dominé par les évangéliques.

En harmonie avec les valeurs d'entraide et de solidarité qu'ils prônent, tous s'efforcent d'apporter leur contribution musicale à l'édifice de la production spirituelle, qu'ils soient évangéliques ou catholiques.


Le tube de rap « Bande organisée » détourné pour célébrer le pape à Marseille

La venue du pape François le 23 septembre 2023 au stade vélodrome a inspiré à un jeune catholique un remix du célèbre tube de Jul et du collectif marseillais «13 Organisé».

13 Enraciné et le rappeur Jul

L'hymne officiel du séjour du pape François à Marseille sera-t-il un tube de rap? Depuis le 11 septembre, un mystérieux remix de «Bande organisée» circule sur les réseaux sociaux et dans les milieux catholiques. Nommé « 13 Enraciné », détournant le nom du collectif 13 Organisé monté par le rappeur marseillais Jul en 2020, il a atteint les 10.000 vues en dix jours et le compteur s'accélère depuis quelques heures.

«Espérance, ma chérie tu vis d'espérance / Y'a qu'l'Amour du Christ qui peut te faire brûler tes 5 sens», entend-on sur fond de l'instru de «Bande organisée». Ou encore : «Peu importe tes fripes, tu viens tel quel / C'est un nouveau-né, sa mère immaculée». «Le J c'est le C, (ok) ressuscité / Son commandement, aimez-vous de charité». Ces paroles ciselées et, surtout, la réalisation technique soignée signalent que l'auteur joue dans la cour des grands au niveau musical.

Et en effet, derrière l'énigmatique « Bonne Mère Production » qui signe le remix sur YouTube se cache un étudiant en chant et direction de chœur à Paris. «À la base, c'était une blague pour amuser des potes», confie celui qui se nomme Jean.

Après avoir écrit une première ébauche lors d'une semaine de chant liturgique avec des chefs de chœur chrétiens, ce grand fan de Bande organisée peaufine la chanson encouragé et aidé par plusieurs amis.

«Dire des choses sur le Christ de manière populaire et accessible»

«J'ai demandé à mon ami Anton qui est ingénieur du son de m'aider à refaire la chanson correctement, poursuit-il. Quitte à faire la blague, autant la faire jusqu'au bout!» Une cagnotte en ligne a permis de réunir les fonds pour atteindre l'objectif. Il me semble que c'est un bon moyen pour dire des choses sur le Christ mais de manière plus populaire et accessible», ajoute-t-il.

«Bien évidemment, ce n'est pas un chant de messe: c'est un témoignage humoristique!», précise-t-il à la vue de quelques commentaires outrés sur les réseaux sociaux. «On pourrait se dire que le rap marseillais n'est pas très compatible avec le christianisme à la base…», regrette le jeune homme qui dit avoir un grand respect pour Jul. «Ce mec est un gars assez discret et très bienveillant qui a permis à plein de chanteurs et rappeurs de se lancer. Je suis très admiratif du mouvement qu'il a lancé pour fédérer les artistes marseillais et salue sa solidarité et son énergie.»

Jean viendra se produire sur la scène du Congrès Mission samedi 23 septembre dans la Cité phocéenne, à l'EMD Business school à 20h, après le départ du pape. La chanson sera-t-elle diffusée un peu plus tôt au vélodrome au moment de la messe du pape? Ce n'est pas prévu, mais comme le collectif de Bande Organisée, on peut toujours rêver car «c'est pas la capitale, c'est Marseille bébé».

HDX : un groupe de rap français aux JMJ

[Entretien] Leur morceau « Pompéi » a été repris par trois artistes chrétiens pour devenir l'hymne non officiel des 41 000 jeunes Français des JMJ, « Tout le pays ». Le groupe de rap grenoblois HDX sera sur scène lors du temps des Français, le 1er août à Lisbonne.

HDX

41 000 jeunes Français ont rendez-vous du 1er au 6 août 2023 à Lisbonne pour une nouvelle édition des Journées mondiales de la jeunesse autour du pape François. Des journées qui débutent par un temps spécifiquement dédié aux Français, autour de grands témoins et de moments festifs, rythmés notamment par le groupe de rap grenoblois HDX. Entretien.

Pouvez-vous nous parler un peu de votre groupe, HDX ?

Nous sommes deux artistes originaires de Grenoble. Nous avons commencé l'aventure avec le groupe il y a maintenant un peu plus de deux ans, mais ça fait bien plus longtemps que nous faisons de la musique ensemble. Nos influences sont variées puisqu'elles vont de la musique électro au rap en passant par le rock, la pop, les musiques afros etc. C'est cette appétence pour la musique en général qui nous pousse à créer de nombreuses choses différentes.

L'hymne non officiel des JMJ, Tout le pays, est une reprise par trois artistes chrétiens de votre morceau Pompéi, extrait de votre album Blister sorti en 2022. Comment cette chanson est-elle née ?

Pompéi a été écrite et composée comme la plupart des morceaux que nous réalisons. Les paroles nous sont venues très naturellement. Elles parlent d'amour, de doutes et d'amis, avec un peu d'egotrip (une façon de chanter ses propres louanges, ndlr) au passage ! Pompéi faisait partie des morceaux que nous préférions de ce premier projet BLISTER mais il n'avait pas vocation à devenir l'hymne qu'il est devenu aujourd'hui. Ces choses se font souvent par elles-mêmes et naturellement, c'est le public et les auditeurs qui choisissent de faire d'un morceau ce qu'il est.

Vous avez été contactés par l'équipe des JMJ pour vous demander votre accord pour cette reprise. C'était une surprise ?

Cette demande pour un tel événement nous a surpris, bien évidemment ! Nous n'avons pas tardé à accepter car nous étions flattés de l'engouement de toute l'équipe autour du morceau et de la volonté d'en faire un hymne pour les JMJ 2023. Nous ne connaissions personne de l'équipe avant cela mais tout s'est très bien passé et nous en sommes ravis.

Qu'avez-vous pensé de l'hymne non officiel ?

Un certain nombre d'événements maintenant ont utilisé nos morceaux pour des reprises, notamment dans le cadre d'écoles… Et à chaque fois nous sommes flattés ! Sur ce projet en particulier, le fait d'avoir été en contact direct avec les chanteurs, d'avoir vu leurs envies et leur goût pour la version originale, a rendu la chose encore plus spéciale.

Vous avez été invités à partager la scène à Lisbonne pendant le temps des Français avec notamment Gab, Zita et Hush, les trois artistes qui ont repris votre morceau. Connaissiez-vous les JMJ avant cette invitation ?

Certains d'entre nous sont baptisés, mais nous ne sommes pas pratiquants. Nous avions brièvement entendu parler de l'événement auparavant, mais nous ne connaissons ni son organisation ni le rayonnement que les JMJ pouvaient avoir à travers l'Europe et le monde. Nous sommes ravis d'y avoir été conviés pour cette édition.

Comment appréhendez-vous le temps des Français, le 1er août ?

Cela va être un réel moment de découverte pour nous au Portugal avec le public des JMJ. C'est la première fois que nous allons jouer devant autant de monde. Nous sommes contents de pouvoir défendre notre musique et cette nouvelle reprise avec Gab, Zita et Emmanuel devant les Français des JMJ !