Sacerdoce universel : tous prêtres!

L'Église catholique et les Églises protestantes reconnaissent que chaque chrétien devient prêtre. En effet, tout baptisé est appelé à la sainteté, à la mission et au culte spirituel, en se référant aux mêmes textes bibliques (1 Pierre 2, 5-9; Ap 1,6; repris par Vatican II, spécialement dans Lumen gentium 10). C'est le sacerdoce universel ou sacerdoce commun, dont la mission est de faire connaître à tous Jésus Christ et l'Évangile. Mais aussi de porter la vie de l'Église, ensemble.

Et vous-mêmes, comme des pierres vivantes, édifiez-vous pour former une maison spirituelle, un saint sacerdoce, afin d'offrir des victimes spirituelles, agréables à Dieu par Jésus Christ.
Car il est dit dans l'Écriture: Voici, je mets en Sion une pierre angulaire, choisie, précieuse; Et celui qui croit en elle ne sera point confus.
L'honneur est donc pour vous, qui croyez. Mais, pour les incrédules, La pierre qu'ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue la principale de l'angle, et une pierre d'achoppement et un rocher de scandale; ils s'y heurtent pour n'avoir pas cru à la parole, et c'est à cela qu'ils sont destinés.
Vous, au contraire, vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis, afin que vous annonciez les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière (1 Pierre 2, 5-9)

Commentons. 1 Pierre 2:5-9 développe l'image des croyants comme «pierres vivantes» formant un édifice spirituel autour du Christ, la pierre angulaire rejetée par les hommes mais choisie par Dieu. Il affirme aussi que les baptisés constituent une «race élue», un «sacerdoce royal» et une «nation sainte», appelée à proclamer les merveilles de Dieu qui les a fait passer des ténèbres à sa lumière admirable.
Image principale : les pierres vivantes
Pierre présente le Christ comme la «pierre vivante» choisie et précieuse, que certains rejettent et sur laquelle d'autres s'édifient. Les chrétiens, unis au Christ, deviennent à leur tour des «pierres vivantes» formant une maison spirituelle, c'est‑à‑dire le véritable Temple où Dieu demeure.

Le sacerdoce saint et royal
Les croyants sont décrits comme un «saint sacerdoce» chargé d'offrir des «sacrifices spirituels» agréables à Dieu par Jésus Christ, plutôt que des sacrifices matériels. Ce sacerdoce s'enracine dans l'Ancien Testament (Ex 19,5‑6), mais il est désormais appliqué à toute la communauté chrétienne, pas seulement à une caste sacerdotale.
Pierre d'achoppement et foi
Pour ceux qui croient, le Christ‑pierre angulaire est source d'honneur et de stabilité; pour ceux qui refusent la Parole, il devient «pierre d'achoppement» qui fait tomber. Ce contraste souligne que la réaction à Jésus (foi ou refus) décide de la manière dont chacun se situe par rapport au projet de Dieu.

Identité du peuple de Dieu
Le texte affirme que les chrétiens sont une descendance choisie, un peuple acquis et mis à part pour Dieu, langage emprunté à la vocation d'Israël. Leur mission est de proclamer les merveilles de Dieu, en particulier l'appel à sortir des ténèbres pour entrer dans la lumière du Christ, ce qui définit à la fois leur identité et leur témoignage dans le monde.
Divergences entre l'Église catholique et les Églises protestantes
Dans la théologie catholique (systématisée par Vatican II, Lumen gentium 10 qui parle de "peuple sacerdotal"), tous les baptisés participent au «sacerdoce commun» en offrant leur vie comme culte spirituel et en témoignant de l'Évangile. Cependant, ce sacerdoce commun est clairement distingué du sacerdoce ministériel (évêques, prêtres, diacres...), qui participe de manière spécifique au sacerdoce du Christ par le sacrement de l'Ordre et assume un rôle de médiation sacramentelle et de gouvernement.
Divergences entre l'Église catholique et les Églises protestantes
Dans la théologie luthérienne originelle et plus largement protestante, le sacerdoce universel signifie que tous les croyants, unis au Christ par la foi et le baptême, ont un accès direct à Dieu sans médiation sacerdotale humaine et partagent fondamentalement la même dignité sacerdotale. Cette doctrine conduit à refuser un sacerdoce «sacramentel» distinct: il existe des ministres (pasteurs) pour le service de la Parole et de la communauté, mais leur fonction est de type fonctionnel/ecclésial et non d'essence différente par rapport aux autres baptisés.

La vision protestante: "Nous sommes absolument tous consacrés prêtres par le baptême"
La divergence avec le catholicisme, qui part des mêmes bases que Luther, porte sur le sacerdoce ministériel qui, selon le catholicisme, s'ajoute au sacerdoce commun:
- Il établit une médiation entre Dieu et les fidèles. Pour les protestants, il y un seul médiateur, Jésus Christ. Ils reprochent au catholicisme de confondre les serviteurs avec le maître, en conférant au prêtre des fonctions qui appartiennent seulement à Jésus.
- Le caractère obligatoire de la médiation sacerdotale. En l'absence de prêtre, le catholicisme juge les relations entre Dieu et le croyant demeurent incomplètes, car imparfaites. Aux yeux des protestants, cette médiation obligatoire est une atteinte à la souveraineté divine comme à la liberté humaine.
- La fonction sacerdotale, dans sa conception catholique, implique la célébration d'un sacrifice offert à Dieu lors de la messe. Pour la Réforme, il n'a pas de dimension ou d'aspect sacrificiel car les fidèles reçoivent tout de Dieu et n'apportent rien, si ce n'est leur louange. L'idée de sacrifice serait contradictoire avec le sola gratia, principe de gratuité de la grâce.
- La quatrième critique concerne la séparation du clergé d'avec le laïcat. Par son ordination, le prêtre sort - définitivement, car l'ordination est irréversible - de la masse des croyants. Il revêt un caractère sacré qui s'accompagne de pouvoirs spéciaux tels que celui de célébrer l'eucharistie (avec sa transsubstantiation des espèces) ou celui de pardonner les fautes (voir point 1 ci-dessus). Pour la Réforme, tout chrétien peut remplir toutes les fonctions ecclésiales sous réserve d'une formation appropriée.

Luther a abordé le sujet dans trois publications, soit Lettre à la noblesse chrétienne de la nation allemande, De la captivité babylonienne de l'Église et le traité de la Liberté chrétienne. Voici la manière dont il la présente dans la Lettre à la noblesse chrétienne:
On a inventé que le pape, les évêques, les prêtres, les gens des monastères seraient appelés "état ecclésiastique" et que les princes, les seigneurs, les artisans et les paysans seraient appelés état laïc, ce qui est, certes, une fine subtilité et une belle hypocrisie. Personne ne doit se laisser intimider par cette distinction pour cette bonne raison que tous les chrétiens appartiennent vraiment à l'état ecclésiastique ; il n'existe entre eux aucune différence, si ce n'est celle de la fonction [...]. Nous avons un même baptême, un même évangile, une même foi et sommes de la même manière chrétiens, car ce sont le baptême, l'évangile et la foi qui seuls forment l'état ecclésiastique. Ce que fait le pape ou l'évêque, à savoir l'onction, la tonsure, l'ordination, la consécration [...] peuvent transformer un homme en cagot ou en idole barbouillée d'huile, mais ils ne font pas le moins du monde un membre du sacerdoce ou un chrétien. En conséquence, nous sommes absolument tous consacrés prêtres par le baptême.

La vision catholique: trois types de prêtres
Le catholicisme définit trois types de prêtres :
1/ le sacerdoce commun de tous les chrétiens (1 Pierre 2:5-9)
2/ le sacerdoce par ordination (Actes 14:23, Romains 15:16, 1 Timothée 5:17, Tite 1:5, Jacques 5:14-15)
3/ Le Christ en tant que grand prêtre (Hébreux 3:1).
Les deux premiers sacerdoces sont une participation à la prêtrise du Christ.

Le sacerdoce ministériel (par ordination) n'est pas une continuation du grand prêtre du Temple de Jérusalem, qui sacrifiait des animaux: le sacerdoce du prêtre catholique, tel celui du Christ, s'inscrit dans l'ordre de Melchisédech, qui "a offert du pain et du vin". Seul le Christ est le vrai prêtre, les autres n'étant que ses ministres.
«Le sacerdoce universel des fidèles et la dignité royale sont donnés aux hommes et aux femmes. Sur ce point, il est particulièrement éclairant de lire attentivement certains passages de la Première Lettre de saint Pierre (2, 9-10) et de la constitution conciliaire Lumen Gentium (nn. 10-12; 34-36).» (Jean-Paul II, Lettre à l'occasion du Jeudi saint de 1995)

Le catholicisme privilégie toutefois l'expression «sacerdoce commun», malgré l'usage de l'adjectif «universel» par Jean-Paul II. La distinction fondamentale est que le sacerdoce ministériel de la prêtrise est au service du sacerdoce commun des fidèles (Lumen gentium, no 10).
Le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel ou hiérarchique, qui ont entre eux une différence essentielle et non seulement de degré, sont cependant ordonnés l'un à l'autre: l'un et l'autre, en effet, chacun selon son mode propre, participent de l'unique sacerdoce du Christ. Celui qui a reçu le sacerdoce ministériel jouit d'un pouvoir sacré pour former et conduire le peuple sacerdotal, pour faire, dans le rôle du Christ, le sacrifice eucharistique et l'offrir à Dieu au nom du peuple tout entier; les fidèles eux, de par le sacerdoce royal qui est le leur, concourent à l'offrande de l'Eucharistie et exercent leur sacerdoce par la réception des sacrements, la prière et l'action de grâces, le témoignage d'une vie sainte, leur renoncement et leur charité effective. (Lumen gentium no 10, concile Vatican II)

