Un tableau du Christ disparu en 1613 réapparaît à Paris

Une découverte inouïe et rarissime. Disparu depuis 1613, un tableau du Christ en Croix, peint par le célèbre Pierre Paul Rubens au summum de son art, est revenu de nulle part, lors de l'inventaire dans un hôtel particulier en vente à Paris, a-t-on appris le 10 septembre du commisseur-priseur Jean-Pierre Osenat à l'origine de la découverte.

"Cette luminosité est extraordinaire. L'expression du visage, les clous, c'est de l'hyperréalisme. C'est un tableau qui dégage une force absolument inouïe. Ce tableau a traversé des générations sans que jamais quelqu'un ne se pose la question de savoir si c'était un Rubens ou pas", explique Jean-Pierre Osenat, commissaire-priseur.

Lui, pense d'emblée à Rubens, l'un des plus grands peintres du XVIIe siècle, grand voyageur, qui avait ses entrées à la Cour de France, sans trop y croire. "Quand on tombe sur un tableau comme ça, la première chose qu'on se dit c'est : 'Est-ce possible, un tableau aussi beau? Qu'est-ce que c'est?' Tout de suite, il a fallu faire appel à des experts", précise-t-il.

«C'est tout le début de la peinture baroque. Le Christ crucifié est représenté isolé, lumineux, et se détachant vivement sur un ciel sombre et menaçant. Derrière la toile de fond rocheuse du Golgotha, apparaît une vue montrant Jérusalem illuminée, mais apparemment sous un orage. Ce tableau est une vraie profession de foi», a-t-il détaillé.

C'est en 1613 que Pierre Paul Rubens (1577-1640) a réalisé cette peinture à l'huile sur toile d'un format moyen de 105,5 × 72,5 cm. Ce tableau, qui était sans doute destiné à un commanditaire privé, et avant qu'il se retrouve parmi les possessions des propriétaires de l'hôtel particulier, aurait appartenu au peintre académique William Bouguereau (1825–1905).
Auteur également d'un ténébreux et dramatique Christ en croix intitulé Compassion! (1897), cet artiste du XIXe siècle fasciné par les grands maîtres avait dû être séduit par le ciel orageux qui donne à ce Rubens une intensité dramatique et spirituelle, ainsi que par le visage à la fois subtil et expressif du Christ.

Compassion! de William Bouguereau (1897)
C'est en procédant à l'inventaire d'un hôtel particulier du 6e arrondissement de Paris, en septembre 2024, que le commissaire-priseur Jean-Pierre Osenat, président de la maison de vente aux enchères du même nom, a découvert la toile de Rubens. Ce tableau a pu être identifié grâce à des gravures et authentifié après de nombreux examens techniques. L'authentification a été confirmée par le professeur Nils Büttner, spécialiste de l'art flamand et hollandais et président du Centrum Rubenianum ; cet organisme situé à Anvers se consacre depuis 1963 à l'étude de l'œuvre de Rubens et à l'élaboration de son catalogue raisonné, auquel ce Christ en croix va être ajouté.
La présence de ce tableau en France pourrait s'expliquer par les campagnes de Napoléon en Belgique ou en Italie. En tout état de cause, le professeur Büttner s'étonne qu'une telle œuvre, pourtant connue des spécialistes, ait été perdue si longtemps.

Christ en croix de Rubens (1610-1611)
Le Musée royal des Beaux-Arts d'Anvers conserve une version antérieure du Christ en croix de Rubens, exécutée en 1610-1611, de dimensions plus importantes (219 X 122 cm). Celle-ci a été reproduite plusieurs fois. Le musée des Beaux-Arts de Gand en possède depuis la fin du xviiie siècle une copie due à un artiste anonyme, d'un format de 262,5 X 155cm. Une autre copie, de 105 X 73cm, se trouve depuis 1803 au musée des Beaux-Arts de Bordeaux. Cette version présente des différences avec celle de 1613, en particulier dans l'inclinaison du visage du Christ.