Miracle et béatification de Camille Costa de Beauregard

21/05/2025

Première béatification du pontificat de Léon XIV le 17 mai 2025 : l'abbé Camille Costa de Beauregard, suite à un décret du pape François le 14 mars 2024, reconnaissant un miracle attribué à l'intercession du "père des orphelins". L'oeil d'un enfant, René Jacquemond - touché par une involucre de bardane en novembre 1910, soit plus de 6 mois après la mort de Camille Costa de Beauregard - qui guérit très rapidement, sans aucune intervention médicamenteuse, à la suite de l'application d'un mouchoir lui ayant appartenu par une soeur infirmière. Les témoignages conservés dans les archives et la longue enquête sur les vertus de l'abbé ont permis sa béatification, après être devenu Vénérable par le pape Jean-Paul II en 1991. Il faudrait à présent qu'un deuxième miracle lui soit attribué pour être déclaré "saint".

Camille est né à Chambéry le 17 février 1841. Son père, le marquis Pantaléon, chrétien fervent et haut parlementaire à Turin, choisit de se rallier à Napoléon III lors de l'annexion de la Savoie en 1860, pensant que son régime était plus favorable à l'Église que celui de Cavour. Cinquième enfant de la fratrie, Camille interrompt ses études à 16 ans, très affaibli par une typhoïde doublée de complications pulmonaires. Son père lui donne alors un précepteur, l'abbé Chenal, pour lui permettre de continuer ses études. À 22 ans, ses études terminées et s'étant éloigné de la foi, sa vie bascule. Entré dans la cathédrale de Chambéry, dissimulé derrière un pilier, il retrouve la foi de son enfance et entend l'appel à devenir prêtre.

En septembre 1863, il part pour le séminaire français de Rome où il est ordonné prêtre. Rentré à Chambéry en juin 1867, il sert comme vicaire à la cathédrale. Il crée une caisse d'aide mutuelle sous le vocable de Saint-François-de-Sales pour les ouvriers qui gagnent peu et n'ont aucune couverture sociale. Il mène une vie pauvre et dépouillée, tout donné à son apostolat.

Ainsi naquit le Bocage

Au mois d'août 1867, le choléra s'abat sur Chambéry, faisant de nombreuses victimes jusqu'à l'automne. Camille Costa recueille, dans un deux-pièces, une demi-douzaine d'orphelins qui se retrouvent sans toit et sans argent. Leur nombre s'accroissant, il obtient un ancien bâtiment des douanes sur un demi-hectare de terrain : le Bocage. Il demande à l'abbé Chenal, son ancien précepteur, de devenir son adjoint pour l'aider. C'est ainsi que naît l'Orphelinat du Bocage, en mars 1868.

Grâce à ses fonds personnels, aux sommes régulièrement versées par sa famille, par les pères chartreux et autres donateurs, il agrandit et fait construire une chapelle… Le nombre de jeunes accueillis grandit et les abbés Costa et Chenal s'entourent de collaborateurs pour les prendre en charge. Après les Frères des écoles chrétiennes dans les premières années, ils font appel aux Filles de la Charité, des religieuses qui deviendront institutrices, surveillantes, infirmières, cuisinières, et mères de substitution…

Une éducation fondée sur la confiance et l'effort

À 13 ans, les garçons apprennent sur place le métier de jardinier dans des serres construites sur des terrains acquis d'une année à l'autre. Au fil des années, un groupe de prêtres formés dans l'esprit du Bocage, dont son neveu Ernest Costa de Beauregard, vient le seconder. L'esprit du Bocage, c'est une éducation semblable à celle de Don Bosco, que Camille Costa de Beauregard a rencontré à Turin. Camille construit une éducation fondée sur la confiance, la valorisation de l'effort, l'appel à la raison et l'écoute personnelle dans une atmosphère de foi transmise et vécue au quotidien. Il accorde également une large place aux loisirs : promenades à pied, théâtre, musique, piscine, repas festifs avec les anciens invités pour des retrouvailles familiales. Son objectif est de former « de solides chrétiens, d'excellents ouvriers, de bons pères de famille ».

Camille Costa de Beauregard assume la direction du Bocage jusqu'à sa mort, le 25 mars 1910. Conformément à sa volonté, sa succession est assurée par son neveu Ernest qui, avant son décès en 1954, remet l'œuvre aux Salésiens de Don Bosco. La réputation de sainteté de Camille s'étend hors du Bocage et du diocèse.

Le dossier de témoignages recueillis à l'époque a été conservé en archives et oublié pendant des années. C'est en le retrouvant en 2015, qu'il a été décidé de relancer la cause en béatification du fondateur du Bocage. Cinq rapports - établis entre 2015 et 2018 par des ophtalmologistes reconnus – ont affirmé que l'affection dont souffrait l'enfant "ne pouvait évoluer que vers une absence de guérison, voire la perte de l'œil ", et que la soudaineté de la guérison était inexplicable. Le dossier fut donc transmis à Rome, où des experts furent d'abord assez partagés, avant qu'une argumentation plus précise soit fournie, et permette d'analyser plus précisément les faits. En 2021, un tribunal diocésain fut réuni pour auditionner à nouveau les personnes compétentes et constituer un dossier argumenté, qui fut adressé à Rome.

C'est donc ce long processus qui a amené le 30/03/2023 la commission des médecins experts auprès du Dicastère pour la Cause des Saints à se prononcer et déclarer à l'unanimité le caractère inexplicable de cette guérison.

Témoignage du miraculé

Parmi les témoignages de 1910, celui d'un jeune garçon, René Jacquemond, blessé gravement à l'œil au cours d'un jeu, par le jet d'une boule de bardane, plante qui est à l'origine du velcro. La blessure s'étant aggravée, l'enfant risque de perdre son œil. Une sœur infirmière a appliqué sur la blessure, un mouchoir ayant appartenu à Camille Costa de Beauregard et, du jour au lendemain, l'œil de l'enfant a guéri.

"Je n'hésite pas à déclarer que la guérison s'est produite en dehors des lois naturelles, et d'une façon extraordinaire", affirmait déjà, le 5 novembre 1910, Amédée Dénarié, ophtalmologiste, qui avait examiné et soigné l'enfant. Entre 2015 et 2018, les cinq rapports établis par des ophtalmologistes confirmaient la déclaration de 1910 et précisaient que l'affection dont souffrait l'enfant "ne pouvait évoluer que vers une absence de guérison, voire la perte de l'œil", et que la soudaineté de la guérison était inexplicable.

ANS - Cité du Vatican

Au cours de l'Audience accordée le jeudi 14 mars 2024 au Cardinal Marcello Semeraro, Préfet du Dicastère pour les Causes des Saints, le Souverain Pontife a autorisé ce même Dicastère à promulguer le Décret concernant le miracle attribué à l'intercession du Vénérable Serviteur de Dieu Camillo Costa de Beauregard, Prêtre diocésain ; né à Chambéry (France) le 17 février 1841 et décédé dans la même ville le 25 mars 1910 - dont la cause est confiée à la Postulation Salésienne.

Le miracle qui conduira à la Béatification du Vénérable Camille Costa de Beauregard pourrait être qualifié d'« historique, » avec ce que cela implique au niveau des preuves apportées. Il s'agit d'une guérison qui eut lieu le 28 octobre 1910 et dont le bénéficiaire était le petit René, de Chambéry, qui avait subi un « traumatisme oculaire d'un fruit de Bardane avec lésion de la cornée et blessure de la conjonctive. »

Le garçon guéri était né le 16 octobre 1899 et à l'âge de 5 ans, en 1904, il était entré à l'« Orphelinat du Bocage » de Chambéry fondé par le Vénérable Camille Costa de Beauregard. Le 26 septembre 1910, alors qu'il était en route vers Chambéry avec ses compagnons, jouant à lancer les fruits épineux de la Bardane (genre Arctium), René fut frappé à l'œil droit par l'un d'eux - pour éviter d'abord des ennuis, les enfants avaient dit que le coup aurait été provoqué par un petit caillou soulevé par un véhicule roulant à toute vitesse sur la route.

René racontera qu'« à l'époque, je pensais que j'étais aveugle, n'ayant pas pu ouvrir l'œil pendant longtemps tant la douleur était forte. » Dès son retour à l'Institut, le petit orphelin avait immédiatement reçu un lavage oculaire et l'application d'une pommade iodoformée.

Le 27 septembre suivant, le Dr Antoine Denarié, Médecin Traitant, a examiné l'œil, approuvant les soins prodigués la veille par la sœur infirmière Joséphine Rigaud, des Filles de la Charité de Saint Vincent de Paul, qui prêtent leur service dans l'orphelinat fondé par Costa de Beauregard.

Le 1er octobre 1910, ne constatant aucune amélioration, Sr Rigaud a accompagné René chez l'ophtalmologiste Amédée Denarié, cousin du Médecin Traitant, qui a trouvé la situation grave. L'ophtalmologiste a visité à nouveau le petit orphelin dans les jours suivants, constatant la persistance des phénomènes inflammatoires « avec une ténacité obstinée. »

Le 20 octobre suivant, alors que la gravité de la blessure à l'œil persistait, dans le climat de découragement évoqué par l'ophtalmologiste, Sr Rigaud a entamé une neuvaine d'invocation au regretté Chanoine De Beauregard, fondateur de l'Institut où elle et le petit René résidaient. Le garçon blessé et toute la communauté ont été impliqués dans la neuvaine.

Le 26 octobre, septième jour de la neuvaine, lors d'un contrôle effectué par la sœur, l'œil semblait s'être aggravé : le lendemain, elle a appliqué sur l'œil blessé un morceau de tissu qui avait touché les objets utilisés par le regretté Abbé De Beauregard, décédé quelques mois plus tôt.

Le 28 octobre, dernier jour de la neuvaine, au matin, en retirant le morceau de tissu par lequel elle avait pansé l'œil blessé, on se rendit compte que l'œil était guéri.

Le 2 novembre 1910 à 9h30 l'ophtalmologiste Denarié a constaté que « l'œil est complètement guéri : aucune trace d'inflammation sur la conjonctive qui avait retrouvé sa couleur blanche normale, la cornée avait retrouvé sa brillance et son aspect naturel. »

Le 5 novembre suivant, l'ophtalmologiste Denarié a visité à nouveau le patient guéri, certifiant que « la guérison restait complète. »